« Je ne suis pas une héroïne »

Publié le : 

Christiane Saldias

À 95 ans, Christiane Saldias, messagère du réseau Comète, est venue témoigner auprès des élèves de troisième du collège Endarra. L’Angloye a décrit son rôle et rendu hommage aux acteurs de cette incroyable chaîne de solidarité au service des pilotes alliés pendant la seconde guerre mondiale.

Christiane Saldias

Les propos sont précis. La mémoire intacte. Ce 2 février, quand elle est invitée à prendre la parole par Benjamin Aupée, enseignant en histoire géographie, le brouhaha des collégiens fait place au silence. « Je m’appelle Christiane Saldias, j’ai 95 ans. Je ne suis ni professeur, ni romancière, ni historienne. Je viens vous parler de ma vie quand j’avais votre âge, 14 ans ». Les collégiens sont tout ouï. L’Angloye remonte le fil de son histoire au sein du quartier Sutar. Celle de l’auberge Lanne tenue par sa tante. L’établissement fut un refuge pour 156 aviateurs alliés, et un point de départ des passages vers l’intérieur du Pays basque, puis l’Espagne. « Cette tante savait lire mais ne maîtrisait pas l’écriture. Je fus appelée pour l’aider ». Sa mission la conduit à devenir une messagère de l’ombre pour le réseau Comète au Pays basque. « J’allais chercher des pains à Arcangues. Je les remettais à ma tante. Ils contenaient des messages destinés aux passeurs », raconte Christiane Saldias.

Une certaine inconscience

Ces messages sont transmis à Pierre Elhorga, ancien douanier. Celui-ci connaît parfaitement les chemins à emprunter pour échapper aux allemands. Il organise les filières de transit vers l’intérieur. Son épouse, Marie, est institutrice à l’école Sutar. « J’avais tellement foi en cette dame que j’ai pris tous les risques ». Christiane Saldias reconnaît une forme d’inconscience liée à son jeune âge. Les soldats allemands sont omniprésents. La Kommandantur est proche, sur la commune de Bassussarry. Allemands et miliciens déjeunent quotidiennement à l’auberge Lanne. « Nous connaissions leurs habitudes. Les pilotes descendaient à la cave avant leur arrivée ». Parfois, la jeune fille convoie les aviateurs jusqu’à Larressorre. Soit 20 kilomètres. « Nous empruntions en vélo les petites routes, dont le chemin de halage qui remontait la Nive jusqu’à Ustaritz ». 878 aviateurs américains et anglais, mais aussi canadiens et polonais, ont été récupérés et évacués par le réseau Comète. « 700 membres de la ligne d’évasion ont été arrêtés par les allemands, 290 ont été exécutés ou sont morts en déportation ». L’une de ses amies, Dédée, reviendra du camp de concentration de Ravensbrück, marquée à jamais par les atrocités subies.

Transmettre encore et toujours

La fin de la guerre sonne la fin du couvre-feu et le retour de la liberté. Christiane Saldias se marie à 21 ans, entame une vie professionnelle et familiale. Son passé reste confidentiel. Jusqu’en 2004. Victor Davies, un aviateur anglais souhaite retrouver cette jeune fille croisée en 1944 à l’auberge Lanne. « Il m’avait fait la promesse de me rapporter du chocolat en guise de remerciement ». Ce fut chose faite au terme de longues recherches. Depuis lors, l’Angloye s’attache à transmettre la mémoire du réseau Comète auprès des jeunes générations. Son récit figure au cœur de la bande dessinée « Le réseau Comète, la ligne d’évasion des pilotes alliés » réalisée par Jean-Yves Le Naour (scénario), Iñaki Holgado (dessins), Marko (story-board), Arétha Battistutta (couleurs), à l’initiative de la Ville d’Anglet. Ce 2 février, la rencontre s’achève sur une série de questions-réponses. Les mains se lèvent en nombre. Les collégiens font part de leur admiration. Christiane Saldias a le triomphe modeste. « Je ne suis pas une héroïne, assure-t-elle. Peut-être méritante, mais des gens méritants, il y en a plein les cimetières, dont on n’a jamais parlé ». Interrogé sur le retour des guerres, notamment en Ukraine, elle appelle à la vigilance de chacun. « Il faut rester attentif et ne jamais baisser les bras, comme l’ont fait tous ces anonymes du réseau Comète ». Le message est passé…